Terre de neige: Préface
Terre de neige est le titre que la Galerie Han Art a donné à la dernière exposition des œuvres de l’artiste Luo Tong. Terre de neige illustre le souvenir d’un lieu visité auparavant, d’un foyer laissé derrière et d’un mode de vie traditionnel qui sombre lentement dans l’oubli. À notre époque contemporaine où la plupart des gens confient la garde de leur mémoire à la technologie, Luo confirme la vitalité de son esprit par ces chefs-d’œuvre visuels qui nous ramènent à ses nombreuses visites sur les plateaux enneigés du Tibet au cours de la dernière décennie.
Originaire de Chine, Luo vit et étudie à New York. En 2003, cet artiste-peintre de grande renommée en Chine a quitté son pays natal pour poursuivre une carrière internationale. Après quelques années passées à Calgary, au Canada, il s’est installé à New York dans le but de perfectionner ses techniques de peinture à la New York Academy of Art. Le Tibet qu’il décrit est issu de sa mémoire, stimulée par un sentiment de nostalgie pour le pays et la culture dont il s’est séparé afin de poursuivre sa carrière en Amérique du Nord.
Ce n’est qu’après son départ de Chine que Luo a commencé à peindre des scènes de son pays d’origine. À l’instar de nombreux émigrés, il a ressenti une nostalgie et un amour renouvelé pour son pays. Petit à petit, ses rêves peuplés d’habitants et de paysages de Chine ont commencé à prendre corps sur ses toiles. Cependant, au lieu de représenter des sujets contemporains comme il l’avait fait en Chine, l’artiste a commencé à peindre avec une attention méticuleuse aux plus petits détails ainsi qu’avec une sensibilité et une compassion profondes des récits de gens occupés à des tâches de la vie quotidienne.
Renouant avec son habitude de jeune étudiant en Chine, Luo a repris ses visites au Tibet dans le but réunir des références pour son travail. Dans un temple situé sur les hauteurs d’un plateau recouvert de neige, il a rencontré une jeune fille. Comme ensorcelé par cette jeune personne et tout ce qu’elle représentait, il a continué, au cours des dix années suivantes, à se rendre à son village, où il était même logé dans sa famille, pour peindre ce modèle idyllique qui grandissait dans cette culture ancienne en quelque sorte figée dans le temps. La jeune fille représentait pour Luo la pureté et la vitalité de cette culture minoritaire.
C’est également au cours de ces voyages que Luo a commencé à définir son esthétique, qui lui a été inspirée par la beauté et la force des peuples et des paysages tibétains. L’artiste transpose cette présence envoûtante par un grand assemblage de traits de pinceau qui composent non seulement des formes, mais qui décrivent aussi une multitude de nuances psychologiques desquelles se dégagent des sentiments allant de la fierté et la vigueur à la crainte et la perte. Grâce à l’aspect psychologique présent dans les portraits Luo, le public international peut s’identifier plus facilement aux sujets. Le peintre invite ses spectateurs à contempler une part d’eux-mêmes dans ces portraits expressifs qui révèlent autant de l’univers intérieur des sujets que de leur environnement unique.
Luo n’est pas le premier artiste à prendre le peuple du Tibet pour sujet et il reconnaît la grande influence du peintre chinois Chen Dan Qing sur son œuvre. Son art le propulse aux côtés d’autres artistes de renommée internationale comme Ai Xuan et Chen Yifei qui ont consacré leur œuvre à la représentation de la beauté et du mystère entourant les nombreuses communautés minoritaires de Chine. Bien qu’il ne soit pas le premier, Luo apporte une perspective internationale nouvelle au sujet. En réaction à son milieu de vie new-yorkais, il choisit de peindre des images de ces habitants dans leur environnement coutumier tranquille que vient intensifier un éclairage naturel puissant. Il tient ce style des anciens maîtres qu’il estime.
L’œuvre de Luo évoque des peintres hollandais comme Rembrandt et Van Dyke. Le sens parfait de la lumière qu’il possède rappelle justement celui de ces grands maîtres. Il affirme que c’est au Tibet qu’il a appris à peindre la lumière et s’exprime avec enthousiasme au sujet des magnifiques ombres que crée le soleil intense sur le plateau tibétain. Le sujet et le style s’agencent parfaitement dans l’œuvre de cet artiste. Chaque tableau, dont les traits de pinceau font valoir une totale maîtrise de l’art, révèle au spectateur des images d’une beauté somptueuse représentant des villageois vêtus selon leurs coutumes. Le style de Luo, qui s’apparente à celui des grands maîtres de la peinture susmentionnés, élève cette culture traditionnelle de simple figuration populaire au rang de grand art.
Courtney Clinton